Plongeons d’hiver – (II) le Plongeon à bec blanc

Occasionnel très rare en France, le Plongeon à bec blanc Gavia adamsii n’a jamais fait l’objet de synthèse détaillée. Ce court article a donc pour objet de dresser un inventaire complet des mentions françaises connues à ce jour et de présenter la phénologie de l’espèce dans notre pays, même si le nombre réduit de données (un peu plus d’une vingtaine) ne permet pas une analyse statistique robuste de la situation et invite à ne pas tirer de conclusions définitives sur le statut de ce plongeon dans notre pays. Les informations sur la répartition mondiale et européenne de l’espèce proviennent de Cramp & Simmons (2020) et Uher-Koch et al. (2020), les mentions françaises sont tirées de Dubois & Yésou (1992) et de Dubois et al. (2000, 2008), complétées par les rapports 2009 à 2019 du CHN publiés dans Ornithos et les données saisies sur Faune France de 2020 à 2024 disposant de photographies ; les critères d’identification cités sont ceux de Svensson et al. (2023) et de van Duivendijk (2011, 2024).

Plongeon à bec blanc, 1er cycle, lac du Der, Marne, janvier 2014 (© Romain Riols)

Répartition
Le Plongeon à bec blanc ne niche pas en Europe ; il se reproduit dans l’extrême nord de la Sibérie et de l’Amérique du Nord, de la Nouvelle-Zemble au détroit de Béring et de l’Alaska au nord-ouest du Canada (baie d’Hudson). Dans le Paléarctique occidental, l’espèce hiverne principalement en mer de Barents (Norvège arctique et péninsule de Kola) et, en effectifs plus réduits, au large des côtes occidentales de la Norvège, au sud jusqu’à la mer du Nord, où l’espèce est occasionnelle, de même que dans la Baltique.

Statut en France
En France, 24 observations de Plongeon à bec blanc ont été rapportées depuis l’hiver 1963-1964. En voici la liste en date du 31 décembre 2024.
• 1 individu trouvé mort au cours de l’hiver 1963-1964 à Wimereux (Pas-de-Calais).
• 1 femelle immature trouvée mourante le 19 mai 1964 à Cherveux (Deux-Sèvres).
• 1 femelle adulte trouvée mazoutée le 16 novembre 1976 (morte dans la nuit du 18 au 19) à Postollonec/Crozon (Finistère).
• 1 mâle immature du 18 février au 28 mars 1979 puis trouvé mort le 30 mars à la digue d’Antifer/Saint-Jouin-Bruneval (Seine-Maritime).
• 1 individu (mort depuis longtemps) le 21 janvier 1981 à Berneval-le-Grand (Seine-Maritime).
• 1 individu le 14 février 1983 à la digue d’Antifer/Saint-Jouin-Bruneval (Seine-Maritime).
• 1 immature du 15 novembre au 11 décembre 1983 à l’étang de Lindre/Lindre-Basse (Moselle).
• 1 immature du 17 au 24 janvier 1987 à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais).
• 1 immature du 18 au 25 janvier 1987 à la digue d’Antifer/Saint-Jouin-Bruneval (Seine-Maritime).
• 1 immature le 23 janvier 1992 à Goulien (Finistère).
• 1 individu le 1er décembre 1995 à Pordic (Côtes-d’Armor).
• 1 immature du 9 décembre 1998 au 15 avril 1999 sur le plan d’eau de Plobsheim/Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin).
• 1 immature du 28 janvier au 7 mars 2001 au lac du Der (Marne).
• 1 adulte le 12 novembre 2003 à la digue d’Antifer/Saint-Jouin-Bruneval (Seine-Maritime).
• 1 immature le 31 janvier 2003 près de l’île de Molène (Finistère).
• 1 immature en migration le 11 novembre 2007 à 9h00 à la jetée du Clipon/Loon-Plage (Nord) puis à 9h47 à Calais (Pas-de-Calais) et 10h09 au cap Gris-Nez/Audinghen (Pas-de-Calais).
• 1 adulte le 27 avril 2011 au cap Gris-Nez/Audinghen (Pas-de-Calais).
• 1 individu le 4 novembre 2011 en pleine mer, au sud de la pointe bretonne (Finistère).
• 1 immature du 8 décembre 2013 au 9 mars 2014 au lac du Der (Marne).
• 1 adulte le 21 avril 2015 au cap Gris-Nez/Audinghen (Pas-de-Calais).
• 1 individu le 19 mars 2016 au large de Calais (Pas-de-Calais). 
• 1 individu le 16 décembre 2017 à Loon-Plage (Nord). 
• 1 immature le 24 janvier 2020 à la pointe de Gâvres (Morbihan).
• 1 adulte le 17 avril 2024 au cap Gris-Nez/Audinghen (Pas-de-Calais).

On constate que les mentions de Plongeon à bec blanc françaises ont été obtenues de la deuxième décade de novembre à la fin avril (la donnée d’un individu moribond mi-mai dans les Deux-Sèvres sort du cadre habituel) ; le nombre réduit de données ne permet pas de révéler un éventuel pic d’observation ou une période de présence prédominante. On distingue cependant deux types de mentions : 
• des observations hivernales (novembre-février) dans la Manche (digue d’Antifer notamment), sur les côtes de Bretagne (1 dans les Côtes-d’Armor, 4 dans le Finistère et 1 dans le Morbihan) et à l’intérieur des terres (2 au lac du Der, 1 sur un étang de Moselle et 1 sur le cours du Rhin, concernant toutes des oiseaux immatures) ;
• un passage printanier (mars-avril) d’adultes en plumage nuptial en Manche et mer du Nord, visible depuis les sites de seawatching du cap Gris-Nez et de la jetée du Clipon.
 
L’ensemble Manche/mer du Nord fournit 13 données, 9 hivernales et 4 printanières, la Bretagne 6 données hivernales et le Nord-Est (Champagne, Lorraine et Alsace) 4 données hivernales ; la mention de mi-mai dans les Deux-Sèvres sort nettement du cadre des autres données françaises, la date tardive (et le lieu inhabituel ?) pouvant être liée à la mauvaise condition physique de l’oiseau en question (mort peu après).
 
Dubois et al. (2008) écrivait que le Plongeon à bec blanc est « noté majoritairement en hiver, de mi-novembre à début février » et qu’il est « observé principalement dans la Manche et surtout en Seine-Maritime (5 données) et dans le Finistère (3 données) ». Il apparaît que la situation a quelque peu évolué depuis, en lien avec le développement du seawatching, qui a entraîné un accroissement des données depuis les sites du cap Gris-Nez et de la jetée du Clipon.

Identification spécifique
De grand taille également, l’Imbrin est le seul plongeon avec lequel le Plongeon à bec blanc peut être confondu. Tant en plumage nuptial qu’hivernal, les deux espèces se ressemblent en effet fortement, mais le gros bec ivoire et retroussé (comme un énorme bec de Catmarin, avec le culmen droit et la mandibule inférieure convexe) du Plongeon à bec blanc ne laisse aucun doute sur l’identité de l’espèce. L’effet retroussé du bec est accentué par l’habitude qu’a l’espèce à tenir la tête légèrement vers le haut. Dans tous les plumages internuptiaux (immatures et adultes), la coloration générale, notamment celle de la tête et du cou, est sensiblement plus pâle que celle du Plongeon imbrin.
 
Critères d’âge
Les jeunes de l’année présentent un motif écailleux pâle sur les parties supérieures que l’on ne retrouve pas chez les adultes, qui sont uniformément sombres dessus et marquées de quelques points blancs sur les couvertures sus-alaires évoquant le plumage nuptial. Le bec blanc jaunâtre pâle et le motif de la tête et du cou sont similaires à tout âge.

Plongeon à bec blanc, 1er cycle, Morbihan, janvier 2020 (© Catherine Byleveld)

Plongeon à bec blanc, 1er cycle, lac du Der, Marne, décembre 2013 (© Édouard Dansette)

Références : • Cramp S. & Simmons K.E.L. (2020). BWP : Birds of the Western Palearctic app. NatureGuides Ltd. • Dubois P.J. & Yésou P. (1992). Les oiseaux rares en France. Éditions Raymond Chabaud, Bayonne. • Dubois P.J., Le Maréchal P., Olioso G. & Yésou P. (2000). Inventaire des Oiseaux de France. Avifaune de la France métropolitaine. Nathan, Paris.• Dubois P.J., Le Maréchal P., Olioso G. & Yésou P. (2008). Nouvel inventaire des oiseaux de France. Delachaux et Niestlé, Paris. • Uher-Koch B.D., North M.R. & Schmutz J.A. (2020). Yellow-billed Loon (Gavia adamsii). In Billerman S.M. (ed.), Birds of the World. Cornell Lab of Ornithology, Ithaca. • Svensson L., Mullarney K. & Zetterström D. (2023). Le Guide Ornitho. 3e édition. Delachaux et Niestlé, Paris. • van Duivendijk N. (2011). Advanced Bird ID Handbook. The Western Palearctic. New Holland Publishers, London. • van Duivendijk N. (2024). Identifier les oiseaux d’Europe. Le guide ultime. Vol. 1, des cygnes aux pics. Delachaux et Niestlé, Paris.

Merci aux photographes pour les images qui illustrent cet article et à Pierre Yésou pour les précisions qu’il m’a communiquées.

Citation recommandée : Duquet M. (2025). Plongeons d’hiver – (II) le Plongeon à bec blanc. Post-Ornithos (marcduquet.com) 2 : e2025.02.07.