Les meilleurs sites de seawatching de France (et d’Europe)
Par Marc Duquet & Philippe J. Dubois

En complément d’un récent article sur le seawatching et tout ce qu’il faut savoir pour observer efficacement les oiseaux marins (Duquet 2025), voici la présentation détaillée des meilleurs endroits de France pour pratiquer ce type d’ornithologie, ainsi qu’un aperçu des sites européens les plus réputés.
En France, les sites de seawatching majeurs se répartissent principalement de la frontière belge jusqu’au sud de la Bretagne : la jetée du Clipon près de Dunkerque (Nord – Leclercq 2000) ; la digue est du port de Calais, le site de Blériot-Plage et le cap Gris-Nez près de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais – Flohart 1995) ; le terminal méthanier d’Antifer (Seine-Maritime), le phare de Gatteville (Manche – Verneau 2008) à la pointe nord-est du Cotentin ; le sémaphore de Brignogan (Crouzier & Dubois 1999), l’île d’Ouessant, la pointe du Raz, l’île de Sein (Frémont & Duquet 2011) et la pointe de Penmarc’h (Finistère) ; la pointe du Vivier à Quiberon (Morbihan). D’autres sites moins connus (ou moins suivis), comme la pointe de Bloscon à Roscoff (Finistère), peuvent aussi s’avérer intéressants tout au long des côtes françaises, notamment à la faveur de fortes tempêtes automnales d’ouest.

Les hot-spots de seawatching français
• La jetée du Clipon (51°02’37.8″N, 2°10’19.0″E)
Située au cœur du complexe industriel et portuaire de Loon-Plage (Nord), 13 km à l’ouest de Dunkerque, la jetée du Clipon est une structure en béton qui s’avance sur presque 3 km en mer du Nord, ce qui en fait un site exceptionnel pour l’observation des oiseaux pélagiques. Malheureusement, elle est désormais fermée au public, car, pour y accéder, il faut traverser le terminal méthanier (zone SEVESO) ; même les quelques membres de l’association Le Clipon qui avaient obtenu une autorisation préfectorale pour assurer des comptages réguliers sur le site ne peuvent plus s’y rendre dès qu’un méthanier est à quai, ce qui est de plus en plus fréquent depuis la guerre en Ukraine (Julien Piette, comm. pers.). Ce site était remarquable pour le passage des labbes (notamment le Labbe à longue queue), mais également le Mergule nain et, d’une manière générale pour le flux très important d’oiseaux marins qui y transitaient lors de forts coups de vent de nord-ouest.

• Le cap Gris-Nez (50°52’9.5″N, 1°35’11.5″E)
À 20 km au nord de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), l’avancée rocheuse du cap Gris-Nez marque la limite entre la Manche et la mer du Nord et constitue le point où la côte européenne change d’orientation (N-S depuis la baie de Somme puis NE-SO en direction du Danemark). C’est aussi là que le détroit du Pas-de-Calais est le moins large (28 km), les falaises de Douvres étant visibles par temps clair. Cette configuration géographique en fait un lieu de passage obligé pour des centaines de milliers d’oiseaux de mer migrant des régions boréo-arctiques vers l’Atlantique. Depuis le parking du phare, rejoindre le sentier douanier à l’est ; après une cinquantaine de mètres, un petit sentier pentu descend en contrebas de la falaise jusqu’à un replat avec une grosse pierre plate : c’est là qu’il faut s’installer, face au nord. Entre mi-septembre et mi-octobre, il est conseillé d’arriver tôt le matin, surtout le week-end, au risque de ne pas trouver de place abritée au pied de la falaise. Les vêtements chauds (et les gants) sont de rigueur dès fin août et plus encore en septembre et octobre. Le cap Gris-Nez est le site de seawatching français le plus connu (peut-être le meilleur ?) et le plus ancien, puisque dès les années 1950, des ornithologues britanniques venaient déjà y observer la migration des oiseaux pélagiques !
Période et espèces – Comparé à la migration postnuptiale, le passage printanier concerne moins d’oiseaux, est beaucoup moins étendu dans le temps et, en raison de la configuration du site, offre des conditions d’observation moins favorables ; il a lieu de la mi-février à la fin mai, avec une diversité maximale en avril. Le passage postnuptial, remarquable ici, s’amorce en juin avec des mouvements de sternes, de macreuses et de Fulmars boréaux, qui s’intensifient en juillet, mais ce n’est qu’à partir de la mi-août que débute vraiment la migration postnuptiale des labbes, des puffins et des sternes. Comme au Clipon, la diversité spécifique est maximale de la troisième décade de septembre à la deuxième d’octobre, avec le passage des plongeons, bernaches, canards (dont la Macreuse brune et le Harle huppé), Mouette pygmée, alcidés… Les espèces plus rares, visibles depuis ce site, sont le Puffin cendré, l’Océanite culblanc, la Harelde boréale, le Phalarope à bec large, le Goéland bourgmestre, le Labbe à longue queue, la Mouette de Sabine et le Mergule nain.
Conditions météorologiques optimales – Vent de secteur O à N, de force supérieure à 3-4 Bf (12-28 km/h) ; idéalement dans les jours qui suivent une tempête. Au printemps, le passage a surtout lieu par vent de nord-est.


• Calais et Antifer
Entre la jetée du Clipon et le cap Gris-Nez se trouve la digue est du port de Calais (Pas-de-Calais), qui est excellente et permet de voir les mêmes espèces que sur les deux sites précédents, bien que souvent avec des effectifs moindres. Hélas, ce site est lui aussi interdit aujourd’hui. Mais, juste à l’ouest de Calais, la dune surélevée de Blériot-Plage est un site désormais bien suivi et à peu près aussi bon que la digue de Calais. À noter que ces sites nordistes sont les meilleurs en France pour l’observation du Mergule nain par exemple.
Plus au sud, on peut signaler aussi le terminal méthanier d’Antifer (Seine-Maritime), qui ressemble à certains égards aux sites du Clipon et de Calais. On y observe, principalement à l’automne, le même cortège d’espèces, mais avec des effectifs moindres, car la largeur du «Channel» est ici de 130 km, ce qui favorise la dispersion des oiseaux. En outre, comme les deux sites précités, l’accès y est réglementé…
• Le phare de Gatteville (49°41’47.9″N, 1°15’56.7″O)
Le phare de Gatteville (Manche) se dresse à l’extrémité nord-est du Cotentin, sur la pointe de Barfleur (Manche), une vingtaine de kilomètres à l’est de Cherbourg ; c’est le plus haut phare terrestre de France, avec une hauteur de 75 m. À son pied se trouve un sémaphore, implanté dans la première tour, construite en 1773. La situation géographique du phare est parfaite pour le seawatching, avec un passage d’oiseaux marins qui, bien qu’étant inférieur à celui du Clipon et du cap Gris-Nez, s’effectue plus près de la côte. Certains des oiseaux qui descendent le long de la Manche pour rejoindre l’océan Atlantique « butent » contre l’extrémité nord-est de la presqu’île du Cotentin. Les observateurs s’installent contre le mur est du phare, totalement à l’abri du vent le plus favorable à la migration, qui s’effectue selon une direction est-ouest. Les oiseaux peuvent ainsi être repérés très à l’est et être suivis longuement jusqu’à la pointe nord du site, à l’aplomb du sémaphore. Une longue-vue est indispensable mais, pour ne pas manquer les oiseaux les plus proches, les jumelles sont également très utiles ; idéalement, l’observation à plusieurs permet de les utiliser simultanément. À marée basse, les sternes et les petits labbes suivent le chenal qui se crée dans l’estran rocheux et peuvent également être observés avec les jumelles. Ce site se distingue donc par la qualité des observations, notamment pour les puffins et les labbes, ces derniers coupant fréquemment la jetée d’accès au phare à marée haute lorsqu’ils poursuivent des sternes.
Période et espèces – Comme au cap Gris-Nez, la configuration du site ne permet pas de suivre efficacement le passage prénuptial qui, de surcroît, s’effectue plus près des côtes britanniques, distantes ici de 100 km. La migration postnuptiale, mieux connue, s’amorce en juillet avec le passage des Fous de Bassan, des Sternes pierregarins et caugeks et des Fulmars boréaux. Et, à l’instar des deux sites précédents, la migration débute réellement à la mi-août et la diversité spécifique est maximale entre la mi-septembre et la fin octobre : Labbes parasites, Puffins des Anglais, fuligineux et des Baléares, Grands Labbes, Mouettes tridactyles parmi lesquelles quelques Mouettes de Sabine, auxquels s’ajoutent les migrateurs plus tardifs tels que les Labbes pomarins, les plongeons, les Macreuses noires et brunes, les Harles huppés, les Mouettes mélanocéphales et pygmées, et les alcidés. Début novembre, des tempêtes de nord-ouest peuvent également permettre d’observer des Océanites culblancs et des Phalaropes à bec large.
Conditions météorologiques optimales – Plus encore qu’ailleurs, les conditions de vent déterminent l’intensité du passage et ne sont optimales qu’un nombre limité de jours chaque année. Après des vents forts de sud et sud-ouest, lorsque les perturbations sur l’Atlantique Nord ne sont pas trop rapprochées, le vent s’oriente généralement à l’ouest puis au nord-ouest. La fenêtre idéale correspond alors à cette courte période de vent de nord-ouest, le vent d’ouest n’étant pas du tout favorable sur ce site. Et quand le vent tourne au nord, en présence d’un front froid, les conditions restent favorables les jours suivants.


• Le sémaphore de Brignogan (48°40’36.6″N, 4°19’50.7″O)
Entre Brest et Roscoff, le sémaphore de Brignogan (Finistère) occupe une position avancée sur la côte nord de la Bretagne. L’excellente orientation du site par rapport au soleil et la présence de quelques niches dans les blocs granitiques présents au pied du sémaphore protègent efficacement les observateurs des rafales de vent et du contre-jour. À l’est, une baie profonde sert d’abri aux migrateurs lors des fortes périodes de vent d’ouest ou de nord-ouest ; ils s’y laissent déporter et en ressortent au plus près des terres, à l’aplomb du sémaphore. Les labbes et les Puffins des Anglais passent parfois si près qu’ils doivent être recherchés juste au pied des premiers rochers. Même si les effectifs globaux sont inférieurs à ceux du Clipon ou du cap Gris-Nez, la situation du site est stratégique. En effet, il reçoit d’une part des migrateurs (labbes, Mouettes pygmées, sternes) arrivant de la mer du Nord et partant vers l’océan Atlantique, et d’autre part des oiseaux pélagiques (Fous de Bassan, Mouettes tridactyles, labbes, et surtout des puffins et des océanites) ayant été poussés dans la Manche occidentale par des dépressions de secteur sud-ouest à ouest et repartant vers l’Atlantique après avoir rebroussé chemin, étant alors rabattus près des côtes bretonnes par le vent de nord-ouest. Il en résulte une forte diversité spécifique, sans doute la plus importante de la région. Au plus fort des coups de vent, des bandes de sternes et parfois des Mouettes de Sabine coupent même par-dessus les terres pour quitter la baie.
Période et espèces – La période de passage s’étend ici de fin août à début novembre. En plus des Puffins fuligineux, des Anglais et des Baléares, des labbes (notamment le Grand Labbe), des Fous de Bassan et des Mouettes tridactyles, la Sterne arctique y passe parfois en nombre et la plupart des espèces prestigieuses que le seawatcheur patient espère observer sont visibles à Brignogan : Océanite culblanc, Mouette de Sabine, Sterne de Dougall, Labbe à longue queue, Puffins cendré et majeur (parfois par centaines), Macareux moine, Phalarope à bec large, Mergule nain. L’Albatros à sourcils noirs y a déjà été noté de même que des Pétrels de type « gongon » (3 fois). En fin d’automne et en hiver, les tempêtes ramènent à la côte non seulement des Fous de Bassan, des Grands Labbes et des Mouettes tridactyles, mais aussi quantité de Mouettes pygmées et d’alcidés (Guillemots de Troïl et Pingouins tordas surtout – parfois par dizaines de milliers). Au-delà de cette diversité spécifique, les effectifs d’espèces moins fréquentes – Labbe à longue queue, Puffin fuligineux, Mouette de Sabine et Océanite culblanc – peuvent y être tout à fait remarquables.
Conditions météorologiques optimales – Les dépressions venues de l’Atlantique, et notamment les épisodes de « traînes » générant de forts vents de nord-ouest, constituent les meilleures conditions pour seawatcher ici.


• L’île d’Ouessant (48°27’44.0″N, 5°4’56.1″O)
À 18 km à l’ouest de la pointe bretonne, en plein océan Atlantique, l’île d’Ouessant (Finistère) est idéalement placée pour le seawatching ; elle est en outre dans le prolongement de la côte nord de la Bretagne et de l’arc atlantique. Trois pointes se distinguent pour ce type d’observation : en premier lieu les rochers situés derrière le phare du Créac’h mais aussi la pointe de Kadoran à l’automne, et la pointe de Porz Doun au printemps. Au Créac’h, on peut s’installer contre l’enceinte du phare (parties nord et est), ce qui permet d’être partiellement protégé du vent. À Kadoran, en revanche, il n’y a pas grand-chose pour se protéger, mais la vue est plus grandiose encore, car la falaise domine la mer d’une bonne hauteur (attention de ne pas s’approcher trop près du bord). Enfin, à Porz Doun, site printanier, on choisira un vent de sud-ouest pour s’y installer, le plus souvent à la pointe, dans l’herbe et les premiers rochers.
Période et espèces – C’est à l’automne, principalement de fin septembre à fin octobre, qu’il faut faire du seawatching à Ouessant. Des milliers de Fous de Bassan, de Mouettes tridactyles et d’alcidés (y compris le Macareux moine, régulier en petit nombre ici, et le Mergule nain), des centaines de Puffins fuligineux et de Puffins des Anglais, parfois même des dizaines (ou centaines) de Puffins majeurs y sont en effet observés. Parmi les espèces plus rares visibles chaque année figurent la Mouette de Sabine, les Océanites culblanc et tempête, le Phalarope à bec large (parfois par centaines) et les quatre labbes, mais les sternes y passent en nombre assez faible. Dès octobre apparaissent les premiers Plongeons imbrins et parfois une Harelde boréale. Au printemps, le passage est plus diffus et se résume surtout aux Puffins des Anglais, Mouettes pygmées et tridactyles, sternes et alcidés.
Conditions météorologiques optimales – Pour voir des oiseaux marins au plus près des côtes ouessantines, les vents de secteur ouest à nord sont les plus propices.




• Pointe du Raz et île de Sein
Plus au sud, les sites se raréfient et sont sans doute un peu moins favorables. Depuis l’île de Sein, on peut observer cependant pas mal d’oiseaux, à l’automne comme au printemps. En période prénuptiale, les vents de sud-ouest rabattent les oiseaux le long de la côte sud du cap Sizun et les dirigent alors vers le raz de Sein et le long de la côte sud-est de l’île. Ce sont les mêmes espèces que celles vues à Porz Doun, sur Ouessant. Il en est de même à l’automne, et, là encore, les vents d’ouest et de sud-ouest permettent d’observer tous les puffins (surtout le Puffin des Anglais), quelques sternes, des Phalaropes à bec large et des labbes, parfois une Mouette de Sabine. Le lieu-dit Kador, au nord-est de l’île, est idéal pour observer les oiseaux qui s’engagent dans le raz de Sein et remontent vers le nord-ouest. Au sud, la digue et la corne de brume qui s’avancent un peu en mer à Ar Guéveur permettent de voir les oiseaux qui empruntent une route est-ouest et regagnent le large. Sur le continent, près de la pointe du Raz, la pointe de Feunten Aod, sur la commune de Plogoff (Finistère), peut également être intéressante par vent de sud-ouest, au printemps comme en automne.
• La pointe de Penmarc’h (47°47’51.8″N, 4°22’28.2″O)
À la pointe sud de la baie d’Audierne (Finistère), le phare d’Eckmühl est un site privilégié. Il est principalement fréquenté à l’automne par les seawatcheurs qui viennent y observer le passage, parfois en nombre, des grands puffins qui longent la côte, le plus souvent dans le sens nord-sud. Il est conseillé de s’installer le long du mur du phare ou contre celui de la chapelle Saint-Pierre attenante. On est un peu en retrait, mais il n’est pas possible de s’avancer davantage. De plus, une digue brise-lame située légèrement au large masque une partie du champ visuel. Il est d’ailleurs préférable d’observer le matin, car la lumière se détériore dans l’après-midi (contre-jour).
Période et espèces – C’est de juillet à octobre que ce site est le plus intéressant. Tous les puffins peuvent transiter ici, mais les Puffins cendré et majeur sont les vedettes incontestées du lieu. À cela s’ajoutent un grand nombre de Fous de Bassan, le Fulmar boréal, la Mouette tridactyle, parfois accompagnée de la Mouette de Sabine et de labbes.
Conditions météorologiques optimales – Incontestablement, les vents de sud et sud-ouest sont les plus favorables, car ils poussent près de la côte les puffins qui stationnent au large de la Bretagne Sud.


• La pointe du Vivier (47°29’01.9″N, 3°08’37.4″0)
Ce site ne bénéficie d’un suivi régulier que depuis une bonne dizaine d’années. Situé à la pointe sud-ouest de la presqu’île de Quiberon (Morbihan), la pointe du Vivier s’est avérée très intéressante, même si les effectifs sont souvent moindres que sur les sites mentionnés précédemment. C’est par exemple « le » site de la façade atlantique française pour l’Albatros à sourcils noirs, avec trois observations à ce jour ! Le parking de la pointe, à l’abri du petit restaurant, est à privilégier pour observer, mais on peut aussi le faire depuis sa voiture. Assez curieusement, le passage est intensif aux premiers heures du jour puis, sauf exception (tempêtes), diminue rapidement dès 9h30-10h00, les oiseaux regagnant sans doute le large.
Période et espèces – Dès le mois de juillet et jusqu’en décembre, on y observe le Fou de Bassan (en nombre), tous les puffins (surtout le Puffin des Baléares), les Océanites culblanc (en fin d’automne) et tempête, la Mouette tridactyle (et parfois la Mouette pygmée), les Sternes caugeks et pierregarins. La Macreuse noire, le Plongeon imbrin et les alcidés « classiques » y sont également visibles, le Phalarope à bec large, la Mouette de Sabine et la Sterne arctique étant plus rares. Au printemps, on peut y voir un très beau passage de Puffins des Anglais.
Conditions météorologiques optimales – Là encore, les vents de sud et sud-ouest sont optimaux. Dès que le vent monte davantage à l’ouest, le passage s’étiole.


• Dans le golfe de Gascogne
Sur la façade atlantique, plusieurs sites méritent également une mention particulière : en Vendée, le phare de l’Armandèche aux Sables-d’Olonne et les pointes du But et des Corbeaux sur l’île d’Yeu (Hindermeyer et al. 2017, Hindermeyer & Penard 2019) ; en Charente-Maritime, le phare des Baleines sur l’île de Ré (Roques 1999) et la pointe de Chassiron sur Oléron ; en Gironde, la pointe du Cap-Ferret et les plages du Grand Crohot, du Petit-Nice et du Vivier (de Montaudouin et al. 2024) ; et dans les Landes, la digue de Tarnos. Tous ces sites se caractérisent par la possibilité d’y voir assez facilement l’Océanite culblanc et le Phalarope à bec large à la faveur de fortes tempêtes d’ouest, en fin d’automne et en début d’hiver (voir p. ex. Blat et al. 2023). En novembre 2023, lors des violentes tempêtes Ciarán et Domingos, ils ont aussi accueilli de beaux effectifs de Labbe à longue queue et de Mouette de Sabine (Dubois & Duquet 2024).

• Et en Méditerranée
Même si, comme cela a été expliqué dans un précédent article consacré au seawatching (Duquet 2025), la Méditerranée n’offre pas les mêmes opportunités que l’Atlantique, certains sites du littoral permettent tout de même d’observer les espèces locales (Puffins des Baléares, yelkouan et de Scopoli) dans de bonnes conditions : on peut citer le cap Béar (Pyrénées-Orientales), la falaise de Leucate (Aude – Rouge 1994) ou encore l’île de Porquerolles (Var – Dubois & Issa 2007). C’est surtout au printemps que ces sites peuvent se révéler intéressants. À la suite de vent d’est ou sud-est soutenus, on peut ainsi y voir des labbes (surtout les Labbes parasite et pomarin), des alcidés, des plongeons (surtout le Plongeon arctique), les Mouettes tridactyle et pygmée, des sternes et à l’occasion un Goéland d’Audouin.
Les grands sites de seawatching européens

Norvège
L’observation de la migration marine (espèces pélagiques, mais aussi plongeons, labbes et canards) est une activité très populaire en Norvège. Sur la côte atlantique, des observatoires spéciaux pour le seawatching ont même été installés, par exemple à Lista (Agder), sur l’île d’Utsira (Rogaland) ou à Skogsøy (Øygarden). Ces sites sont notamment excellents pour suivre la migration prénuptiale des plongeons (y compris le Plongeon à bec blanc en mai), des trois grands labbes, de nombreux anatidés et limicoles. À l’automne, le Puffin fuligineux y est très régulier, de même que d’autres oiseaux pélagiques.
À l’extrême nord du pays, implanté au bout de la péninsule de Nordkyn, entre le cap Nord et la péninsule de Varanger, le phare de Slettnes près de Gamvik (Finnmark) est un site de seawatching exceptionnel, avec notamment un important passage de labbes et de Plongeons à bec blanc en mai.


Grande-Bretagne
Les sites de seawatching ne manquent pas autour des îles Britanniques ; voici une sélection des plus intéressants, avec le secteur de vent le plus favorable et les espèces-clés que l’on peut y observer à certaines périodes.
• Côte occidentale de l’Écosse – Aird an Runair et Neist Point (O-SO) ; Labbes pomarin et à longue queue, Puffin des Anglais, plongeons (avril-mai).
• Archipel des Orcades – North Ronaldsay (NO) ; labbes (mi-mai), Puffins majeurs et cendrés (août-septembre), Océanite tempête (septembre-octobre), Mergule nain (hiver).
• Côte est – St Abb’s Head, Seaton Sluice, Filey, Flamborough Head et Spurn Point (NE), Sheringham(N) ; Puffins des Anglais, des Baléares et fuligineux, labbes, macreuses, Mouette pygmée, Sternes caugek et arctique, oies, limicoles et canards (juin-octobre), Macareux moine (octobre-novembre), Mergule nain (parfois par milliers).
• Côte sud – Dungeness (S-SE), Portland Bill et Start Point (S-SO) ; macreuses, Fou de Bassan, Plongeon catmarin, Labbes pomarin et parasite, sternes (avril-mai), puffins, labbes, plongeons, Mouette de Sabine (août-octobre). À noter qu’au printemps, les oiseaux marins en migration passent nettement plus près des côtes britanniques que françaises.
• Cornouailles – Porthgwarra (S-SE), Pendeen Watch (O-SO), St Ives (N) ; Mouette de Sabine, puffins, Océanites culblanc et tempête, labbes, plongeons (juillet-octobre).
• Irlande du Nord – Ramore Head (N) ; puffins, labbes, alcidés, plongeons (août-novembre).


Irlande
Quatre sites de seawatching majeurs sont recensés sur les côtes irlandaises, deux à l’ouest et deux au sud. Comme pour les îles Britanniques, le nom des sites est suivi du secteur de vent le plus favorable et des espèces-clés par périodes.
• Côte occidentale – Kilcummin et Bridges of Ross (O-NO) ; océanites, alcidés (mai), labbes, Puffin des Anglais (dizaines de milliers), Puffins cendré et majeur, Phalarope à bec large, Mouette de Sabine, Océanite culblanc (août-octobre).
• Côte méridionale – Galley Head et Cape Clear (S-SO) ; Labbe à longue queue, Océanite tempête (mai), Puffins cendré et majeur (août-octobre).


Espagne
À l’extrême nord-ouest de la péninsule Ibérique, le cap de l’Estaca de Bares, dans la région autonome de Galice est la porte d’entrée vers l’Atlantique pour les oiseaux marins quittant le golfe de Gascogne au passage postnuptial. C’est aussi probablement le meilleur site européen en matière de seawatching. C’est donc en été et à l’automne que la diversité spécifique est la plus grande. Le passage des labbes (notamment le Labbe pomarin), des puffins (des milliers de Puffins majeurs), sternes et du Fou de Bassan y est maximal avec des vents de secteur ouest, nord-ouest ou nord. Parmi les raretés vues sur le site figurent les Fous brun et à pieds rouges, l’Albatros à nez jaune, le Labbe de McCormick (qui est devenu régulier et dont plusieurs individus peuvent être vus quotidiennement à la bonne période), le Puffin de Macaronésie, le Pétrel des Desertas.


Portugal
Située sur une péninsule qui s’avance dans l’Atlantique, la ville de Peniche était réputée pour ses vagues propices pour le surf ; elle l’est désormais pour le seawatching. Une grande diversité d’oiseaux marins en migration postnuptiale longent la côte occidentale du Portugal et s’en rapprochent lorsque le vent souffle du nord-ouest : plongeons, Puffins cendré, des Baléares et des Anglais, Grand Labbe, Labbe pomarin et parasite, océanites, Fou de Bassan, Phalarope à bec large, et même un Phaéton à bec rouge en septembre 2015. De plus, l’Océanite de Castro et le Puffin cendré nichent dans l’archipel des Berlengas, distant d’une dizaine de kilomètres. À l’extrême pointe sud-ouest de l’Europe, par vent d’ouest, le cap Saint-Vincent (Cabo de São Vicente) de Sagres, Algarve, voit passer de nombreux oiseaux marins, notamment des Fous de Bassan et des Puffins cendrés.


Et plus au sud encore…
Si vous êtes un seawatcheur passionné, vous aurez peut-être un jour ou l’autre envie de vous diriger vers l’île de Ngor au Sénégal, qui est sans doute le meilleur site atlantique sinon mondial pour l’observation des oiseaux marins (Dubois et al. 2009, Caucal et al. 2024).
Conclusion
Passée la mi-août, la migration postnuptiale des oiseaux marins commence : à vous de choisir parmi les sites de seawatching présentés ici celui qui vous conviendra. Bonnes observations !

Références : • Blat Y., Dubois P.J. & Duquet M. (2023). Afflux d’Océanites culblancs Oceanodroma leucorhoa en France à l’automne 2022. Ornithos 30-1 : 42-50. • Caucal G., Dubois P.J. et al. (2024). La migration d’automne des oiseaux marins sur les côtes dakaroises (Sénégal) en 2023. Ornithos 31-5 : 233-263. • Crouzier P. & Dubois P.J. (1999). Points chauds : Brignogan (Finistère), un site de seawatching remarquable. Ornithos 6-3 : 125-130. • de Montaudouin A., Rey G., Jouandoudet F. & Dumeau B. (2024). Puffins cendré Calonectris borealis et de Scopoli C. diomedea au large du bassin d’Arcachon (Gironde). Ornithos 31-6 : 329-343. • Dubois P.J. & Duquet M. (2024). Impact des tempêtes Ciarán et Domingos(novembre 2023) sur les oiseaux pélagiques. Ornithos 31-3 : 135-151. • Dubois P.J. & Holmström N. & Verneau A. (2009). La péninsule du Cap-Vert à Dakar, Sénégal, est-elle la « Mecque » du seawatching ? Ornithos 16-4 : 220-232. • Dubois P.J. & Issa N. (2007). Points-chauds. Porquerolles, face aux migrateurs (Archipel d’Hyères, Var). Ornithos 14-3 : 176-183. • Dubois P.J. & Rousseau É. (2005). La France à tire-d’aile: comprendre et observer les migrations d’oiseaux. Delachaux et Niestlé, Paris. • Duquet M. (2025). Le seawatching, l’art d’observer les oiseaux marins. Post-Ornithos (marcduquet.com) 2 : e2025/08/09. • Flohart G. (1995). Points-chauds : le cap Gris-Nez (Pas-de-Calais). Ornithos 2-3 : 124-127. • Frémont J.-Y. & Duquet M. (2011). Points chauds. Un rocher au large de la pointe du Raz : l’île de Sein (Finistère). Ornithos 18-6 : 367-375. • Hindermeyer M.P., Hindermeyer X. & Portier F. (2017). Points chauds. Une destination « ornitho » à part entière : l’île d’Yeu (Vendée). Ornithos 24-1 : 17-33. • Hindermeyer X. & Penard O. (2019). Afflux exceptionnel de Puffins majeurs Puffinus gravis à l’île d’Yeu en novembre 2016. Ornithos 26-1 : 27-35. • Leclercq J.-A. (2000). Points-chauds : la jetée du Clipon et les environs de Dunkerque (Nord). Ornithos 7-3 : 133-138. • Roques H. (1999). Points chauds : l’île de Ré (Charente-Maritime). Ornithos 6-2 : 89-93. • Rouge A. (1994). Points-chauds : observer les oiseaux à Leucate (Aude). Ornithos 1-1 : 41-43. • Verneau A. & V.(2008). Points chauds. Le phare de Gatteville (Pointe de Barfleur, Manche). Ornithos 15-3 : 198-205.
Merci à Guy Flohart (cap Gris-Nez), Sébastien Mauvieux (phare de Brignogan), Yves Blat (pointe du Vivier) et Xavier Hindermeyer (île d’Yeu) pour les échanges que nous avons eus avec eux, ainsi qu’à Julien Piette pour ses renseignements récents sur la jetée du Clipon et Arnaud Laudelout pour ses précisions sur l’Estaca de Bares.
Citation recommandée : Duquet M. & Dubois P.J. (2025). Les meilleurs sites de seawatching de France (et d’Europe). Post-Ornithos (marcduquet.com) 2 : e2025.08.19.

