OrnithoScience : taxonomie des Ardéidés, Accipitridés et Hirundinidés

Par Jean-Louis Grangé

Voici quelques propositions de changements taxonomiques trouvées dans des publications scientifiques récentes et concernant des espèces ouest-paléarctiques, dont la plupart nichent en France.

Hérons (famille des Ardéidés)
Des arbres phylogénétiques minutieusement échantillonnés et bien étayés sont essentiels pour la taxonomie et pour guider les études sur l’évolution et l’écologie. Malgré des recherches préalables approfondies, aucun arbre complet des relations entre les hérons (famille des Ardéidés) n’avait encore été publié. Hruska et al.(2023) ont échantillonné des éléments ultraconservés (UCE) à l’échelle du génome et des séquences d’ADN mitochondrial (ADNmt) de plus de 90 % des espèces existantes pour estimer la phylogénie des hérons. Les arbres UCE et ADNmt sont pour la plupart concordants, fournissant une topologie qui résout les relations entre les cinq sous-familles de hérons et indique que les genres GorsachiusBotaurusArdea et Ixobrychus ne sont pas monophylétiques. Selon cette étude le Héron gardebœufs ferait partie du clade Ardea et devrait donc être rattaché à ce genre sous le nom d’Ardea ibis.

Hérons gardebœufs, Vienne, décembre 2019 (© Raphaël Bussière)
Arbre phylogénétique des Ardéidés extrait de Hruska et al. (2023) – Illustrations de Bennu Birdy

Éperviers et autours (famille des Accipitridés)
Les rapaces diurnes (Accipitriformes) constituent un clade diversifié d’oiseaux modernes, charismatiques et connus de tous. Pourtant, on sait étonnamment peu de choses sur les relations entre les genres au sein de la famille des Accipitridés, et plusieurs études ont suggéré que certains d’entre eux, en particulier le genre Accipiter, très diversifié, ne sont pas monophylétiques. Catanach et al. (2025) ont combiné un nouvel ensemble de données, en étudiant le génome entier de 134 espèces de rapaces et la phylogénie de 237 espèces existantes ou récemment éteintes. Cette phylogénie densément échantillonnée, qui comprend 90 % des espèces reconnues, confirme le caractère non-monophylétique du genre Accipiter et fournit une base suffisante pour réviser la taxonomie de ce genre, afin de retrouver une monophylie dans tous les genres d’Accipitridés. Ces auteurs placent donc l’Autour des palombes dans le nouveau genre Astur et les Éperviers à pieds courts et shikra dans le nouveau genre Tachyspiza, l’Épervier d’Europe restant un Accipiter. Le nom scientifique de l’Autour des palombes deviendrait donc Astur gentilis, celui de l’Épervier à pieds courts Tachyspiza brevipes et celui de l’Épervier shikra Tachyspiza badius.

Autour des palombes, Var, novembre 2016 (© Aurélien Audevard)

Hirondelles (famille des Hirundinidés)
Les hirondelles sont une famille de passereaux répartie dans le monde entier qui présente une remarquable similitude dans la forme du corps mais d’énormes variations dans le plumage, la socialité, le comportement de nidification et les stratégies migratoires. C’est pourquoi les espèces d’hirondelles sont devenues des modèles pour l’écologie comportementale empirique et les études évolutives. L’exploitation de ce potentiel nécessitait un arbre phylogénétique complet et bien résolu de la famille. Pour répondre à ce besoin, Schield et al. (2024) ont estimé la phylogénie des hirondelles en utilisant les données génétiques de milliers de loci d’éléments ultraconservés (UCE), échantillonnés chez presque toutes les espèces d’hirondelles connues. Selon cette étude l’origine de la famille des Hirundinidés remonte à 13 millions d’années environ, avec une diversification ultérieure des principaux groupes à la fin du Miocène et au Pliocène. Les hirondelles sont originaires de la région afrotropicale et se sont ensuite répandues dans le monde entier, avec une diversification majeure en Afrique et une radiation secondaire majeure après la colonisation de la région néotropicale. Sur la base de différences morphologiques et génétiques, Schield et al. (2024) contredisent la division de C. daurica en deux espèces, l’Hirondelle rousseline C. daurica et l’Hirondelle striée C. striolata proposée par Dickinson & Christidis (2014). Considérant ces différences, Clements et al. (2024), Gill et al. (2025) et Turner et al. (2024) proposent de diviser l’Hirondelle rousseline Cecropis daurica en trois espèces : 
• Cecropis rufula, présente en Europe, en Afrique du Nord, dans la péninsule Arabique et en Asie centrale, qui garde le nom d’Hirondelle rousseline ; 
• Cecropis melanocrissus, nicheuse dans certains pays d’Afrique subsaharienne et dénommée Hirondelle de Rüppell ; 
• Cecropis daurica d’Asie orientale – Chine, Japon, Mongolie, Corée du Nord et Corée du Sud, etc. – qui devient l’Hirondelle de l’Amour (ex-Hirondelle striolée).
En résumé, le nom scientifique de l’Hirondelle rousseline européenne changerait pour devenir Cecropis rufula et l’Hirondelle striolée deviendrait l’Hirondelle de l’Amour Cecropis daurica.

Hirondelles rousselines, Estrémadure, juin 2016 (© Marc Duquet)
Arbre phylogénétique des Hirundinidés extrait de Schield et al. (2024) – Illustrations d’Hilary Burn/Lynx Edicions

Références : • Catanach T.A., Halley M.R. & Pirro S. (2025). Enigmas no longer : using ultraconserved elements to place several unusual hawk taxa and address the non-monophyly of the genus Accipiter (Accipitriformes: Accipitridae). Biological Journal of the Linnean Society 144 (2) : blae028. • Clements J.F., Rasmussen P.C., Schulenberg T.S., Iliff M.J., Fredericks T.A., Gerbracht J.A. Lepage D., Spencer A., Billerman S.M., Sullivan B.L., Smith M. & Wood C.L. (2024). The eBird/Clements checklist of birds of the world : v2024. • Dickinson E.C. & Christidis L. (2014). The Howard and Moore complete checklist of the birds of the world. 4th ed., vol. 2. Eastbourne, UK Aves Press. • Gill F., Donsker D. & Rasmussen P. (2025). IOC World Bird List, v 15.1 (https://www.worldbirdnames.org). • Hruska J.P., Holmes J., Oliveros C., Shakya S., Lavretsky P., McCracken K.G., Sheldon F.H. & Moyle R.G. (2023). Ultraconserved elements resolve the phylogeny and corroborate patterns of molecular rate variation in herons (Aves: Ardeidae). Ornithology 140 : ukac005• Schield D.R., Brown C.E., Shakyac S.B., Calabrese G.M., Safran R.J. & Sheldon F.H. (2024). Phylogeny and historical biogeography of the swallow family (Hirundinidae) inferred from comparisons of thousands of UCE loci. Molecular Phylogenetics and Evolution197 : 10811. • Turner A., Kirwan G.M. & Boesman P.F.D. (2024). European Red-rumped Swallow (Cecropis rufula). In Billerman S.M. & Sly N.D. (eds), Birds of the World. Cornell Lab of Ornithology, Ithaca.