Plongeons d’hiver – (III) le Plongeon arctique
Ce troisième volet est consacré à l’un des deux plongeons les plus fréquents en hiver en France : le Plongeon arctique Gavia arctica. Les informations sur la répartition mondiale et européenne de l’espèce proviennent de Cramp & Simmons (2020), les données phénologiques et chronologiques relatives à la France sont issues de Deceuninck (2015) et de Dubois et al. (2008, 2018) et les critères d’identification sont ceux de Svensson et al. (2023) et de van Duivendijk (2011, 2024).

Répartition
L’aire de nidification du Plongeon arctique couvre l’ensemble des régions boréales et arctiques d’Eurasie, à l’exception de l’Islande et du Svalbard ; l’espèce se reproduit dans le nord de l’Écosse, dans toute la Fennoscandie et des états baltes jusqu’à la Sibérie orientale. Son aire d’hivernage est essentiellement maritime et littorale : dans le Pacifique, elle s’étend du Kamtchatka au Japon et au sud-est de la Chine ; en Europe, elle couvre la plupart des côtes de l’Atlantique, de la mer du Nord, du sud de la Baltique, du nord de la Méditerranée, de la mer Noire et de la Caspienne, et quelques grands lacs et fleuves dans les terres.

Statut en France
Le Plongeon arctique peut être observé sur l’ensemble des côtes françaises, principalement de la Normandie à la Charente-Maritime ; il est moins commun en mer du Nord, dans la Manche et en Méditerranée. Ses principaux sites d’hivernage sont le littoral de la Seine-Maritime et la pointe bretonne (rade de Brest, baie de Douarnenez) et, secondairement, les pertuis charentais, la côte landaise, le littoral du Roussillon et les étangs du Narbonnais. Le Plongeon arctique est plus rare quoique régulier dans les terres, sur les grands lacs et réservoirs (Forêt d’Orient, Der, Léman…) et sur les parties lentes de certains fleuves (Rhin, Rhône…).
Les premiers Plongeons arctiques apparaissent en France dès septembre, les arrivées augmentant en octobre et culminant dans la première moitié de novembre. Le passage se poursuit parfois en décembre et janvier lors de tempêtes de secteur nord. L’espèce stationne dans notre pays jusqu’en mars-avril, les derniers migrateurs étant notés en mai sur le littoral du Nord. Les oiseaux hivernant en France appartiennent à la sous-espèce arctica, qui niche de l’Europe du Nord au fleuve Léna (Russie) ; les quelques reprises d’oiseaux bagués concernent des individus originaires de Finlande et de Suède.

Identification
La présence d’une tache blanche allongée à l’arrière des flancs d’un plongeon posé sur l’eau constitue un critère typique de l’espèce, visible même à grande distance. Par rapport au Plongeon catmarin, de taille équivalente, le Plongeon arctique a une tête plus grosse avec le front plus abrupt, un bec plus épais, aux mandibules symétriques (culmen arqué vers le bas et mandibule inférieure convexe), et un plumage globalement plus foncé, avec des parties supérieures noirâtres (adultes) ou d’aspect écailleux (jeunes), et une ligne noirâtre (plus ou moins marquée) sur les côtés du cou. Il peut être plus délicat à différencier du Plongeon imbrin, qui est toutefois sensiblement plus grand et montre une tête massive et anguleuse, un puissant bec en poignard (en général nettement plus épais) et un motif sombre qui s’avance en pointe sur les côtés à la base du cou ; la calotte et l’arrière du cou sont plus pâles que les parties supérieures chez le Plongeon arctique, ce qui n’est pas le cas chez l’Imbrin.

Critères d’âge
En plumage hivernal, les Plongeons arctiques adultes (et subadultes) se distinguent aisément des oiseaux de l’année. Adultes et oiseaux de 2e hiver ont en effet les parties supérieures d’un brun-noir assez uni, les premiers avec quelques points blancs bien visibles sur les couvertures et les scapulaires (comme en plumage nuptial), tandis que les jeunes de l’année présentent un net motif pâle en forme d’écailles sur l’ensemble des parties supérieures.


Conclusion
Autrefois le plongeon le plus commun à l’intérieur des terres, le Plongeon arctique ne peut être confondu qu’avec le Plongeon imbrin, toutefois plus grand. Cependant, les oiseaux qui hivernent sur les côtes occidentales de la France méritent un examen attentif, afin de détecter parmi eux un éventuel Plongeon du Pacifique… En effet, cette espèce néarctique n’a pas encore été vue en France, alors que le nombre de données explose depuis quelques années dans les îles Britaniques et dans le sud de la Scandinavie, et qu’elle a déjà été observée trois fois en Espagne et une fois en Suisse (un article lui sera consacré prochainement).
Références : • Cramp S. & Simmons K.E.L. (2020). BWP : Birds of the Western Palearctic app. NatureGuides Ltd. • Deceuninck B. (2015). Plongeon arctique. In Issa N. & Muller Y. (coord.), Atlas des oiseaux de France métropolitaine. Nidification et présence hivernale. LPO/SEOF/MNHN. Paris, Delachaux et Niestlé : 234-235. • Dubois P.J., Le Maréchal P., Olioso G. & Yésou P. (2008). Nouvel inventaire des oiseaux de France. Delachaux et Niestlé, Paris. • Dubois P.J., Gaudard C. & Quaintenne G. (2018). Plongeons, grèbes et grands échassiers hivernant en France : évolution récente des effectifs. Ornithos 25-4 : 185-215. • Svensson L., Mullarney K. & Zetterström D. (2023). Le Guide Ornitho. 3e édition. Delachaux et Niestlé, Paris. • van Duivendijk N. (2011). Advanced Bird ID Handbook. The Western Palearctic. New Hollans Publishers, London. • van Duivendijk N. (2024). Identifier les oiseaux d’Europe. Le guide ultime. Vol 1, des cygnes aux pics. Delachaux et Niestlé, Paris.
Citation recommandée : Duquet M. (2025). Plongeons d’hiver – (III) le Plongeon arctique. Post-Ornithos (marcduquet.com) 2 : e2025.02.12.
