Plongeons d’hiver – (IV) le Plongeon imbrin

Voici le quatrième volet de la série d’articles sur le statut et l’identification des plongeons visibles en France en période hivernale. Celui-ci traite du Plongeon imbrin Gavia immer, et, finalement, ne sera pas le dernier… En effet, j’ai décidé de vous proposer un cinquième et ultime article consacré au Plongeon du Pacifique (une espèce potentielle pour la liste française), qui viendra bientôt clore cette série. Pour ce texte sur l’Imbrin, les informations sur la répartition mondiale et européenne proviennent de Cramp & Simmons (2020) et de Paruk et al. (2021), les données phénologiques et chronologiques relatives à la France sont issues de Dubois et al. (2008, 2018) et de Deceuninck (2015), et les critères d’identification sont ceux de Svensson et al. (2023) et de van Duivendijk (2011, 2024).

Plongeon imbrin, 1re année, Haute-Garonne, janvier 2014 (© Christian Aussaguel)

Répartition
Le Plongeon imbrin est un oiseau essentiellement néarctique, largement répandu dans les régions boréo-arctiques d’Amérique du Nord (Alaska et région des Grands Lacs, Canada, ouest et sud du Groenland), ainsi qu’en Islande, seul pays européen où il niche. En hiver, l’espèce se disperse le long des côtes du Pacifique Nord (des Aléoutiennes au golfe de Californie), dans le sud des États-Unis (du Texas à la Floride) et sur la côte est des États-Unis et du Canada (au nord jusqu’à Terre-Neuve) ; le Plongeon imbrin hiverne également dans les eaux islandaises, autour des Féroé et des îles Britanniques, ainsi que sur l’ensemble des côtes occidentales d’Europe, du Portugal à l’extrême nord de la Norvège et à la péninsule de Kola, et ponctuellement sur le littoral ouest-méditerranéen (de la Catalogne à la Camargue).

Plongeon imbrin, 1re année, Sarthe, décembre 2012 (© Fabrice Jallu)

Statut en France
En France, le Plongeon imbrin est un hivernant peu commun, présent de la frontière belge à la côte basque et surtout de la Bretagne Nord au Mor Braz et à la Charente-Maritime ; il se montre occasionnellement dans les terres (où il est devenu le plongeon le plus fréquent), et en Méditerranée, des Pyrénées-Orientales à la Camargue. Les principaux sites d’hivernage français de l’espèce sont la baie de Morlaix, la rade de Brest, les pertuis charentais et le bassin d’Arcachon, mais les effectifs hivernaux restent modestes.
 
À l’instar de celui des Plongeons arctique et catmarin, le passage postnuptial de l’Imbrin débute en octobre et culmine en novembre ; l’hivernage se poursuit jusqu’en mars, laissant quelques retardataires en avril, voire en mai. Les rares reprises d’oiseaux bagués concernent des oiseaux originaires d’Islande et du Groenland.

La carte ci-contre représente les zones où le Plongeon imbrin est régulier et fréquent en hiver,
mais des individus isolés peuvent aussi être vus çà et là ailleurs en France, dans les terres.

Identification 
Lorsqu’une comparaison directe est possible, la grande taille du Plongeon imbrin tranche généralement avec celle du Plongeon arctique, dont le plumage internuptial est similaire. La tête massive et anguleuse (bosse marquée au-dessus du front) de l’Imbrin et son puissant bec en poignard (de forme similaire à celui du Plongeon arctique, mais plus haut à la base) sont le plus souvent évidents (toutefois, le front peut sembler fuyant chez un oiseau qui ressort d’une plongée ; voir la 3e photo ci-dessous). De plus, le bec de certains individus est moins massif et se rapproche alors fortement de celui de l’Arctique, qui, à l’inverse, peut avoir une bosse marquée à l’avant de la calotte. Dans tous les cas, le brun foncé de l’arrière du cou qui s’avance en pointe à la base du cou chez l’Imbrin est généralement le meilleur critère (la limite entre l’arrière du cou sombre et l’avant blanchâtre est assez rectiligne chez l’Arctique). Le Plongeon à bec blanc ressemble beaucoup à l’Imbrin, tant en plumage nuptial qu’internuptial mais son énorme bec ivoire fortement retroussé le distingue assez facilement (mais certains Imbrins au bec gris clair peuvent être trompeurs à distance…). Par rapport au Plongeon catmarin, plus petit, plus pâle et au bec fin et retroussé, il n’y a aucun risque de confusion.

Plongeon arctique 1re année (à g.) et Plongeon imbrin 1re année, Haute-Garonne, février 2014 (© Christian Aussaguel)
Plongeon imbrin 1re année (à g.) et Plongeon arctique adulte hivernal, Sarthe, décembre 2012 (© Christian Kerihuel)
Plongeon imbrin, 1re année, Hérault, novembre 2023 (© Gérard Picotin)

Critères d’âge
Les plumages internuptiaux du Plongeon imbrin sont similaires à ceux du Plongeon arctique : les parties supérieures de l’adulte (et du 2e hiver) sont brun-noir avec quelques points blancs (restes du plumage nuptial) sur les couvertures et les scapulaires, tandis qu’elles présentent un motif écailleux pâle très visible chez les oiseaux de l’année. La forme des plumes est en outre un peu différente, elles sont plus « carrées » chez l’adulte et, à l’inverse, nettement arrondies chez les jeunes.

Plongeon imbrin, adulte internuptial, février 2016, Californie (© Aurélien Audevard)
Plongeon imbrin, 1re année, décembre 2015, Nord (© Édouard Dansette)

Conclusion
Le Plongeon imbrin est le plongeon le moins abondant en hiver en France et il est plus rare encore dans les terres (où il est toutefois plus fréquent que le Catmarin et l’Arctique aujourd’hui). Attention aux individus à bec très pâle qui peuvent être pris pour un Plongeon à bec blanc (V. photo ci-dessous).

Plongeon imbrin, 1re année, Mayenne, décembre 2009 (© Fabrice Jallu)

Références : • Cramp S. & Simmons K.E.L. (2020). BWP : Birds of the Western Palearctic app. NatureGuides Ltd. • Deceuninck B. (2015). Plongeon imbrin. In Issa N. & Muller Y. (coord.), Atlas des oiseaux de France métropolitaine. Nidification et présence hivernale. LPO/SEOF/MNHN. Paris, Delachaux et Niestlé :236-237. • Dubois P.J., Le Maréchal P., Olioso G. & Yésou P. (2008). Nouvel inventaire des oiseaux de France. Delachaux et Niestlé, Paris. • Dubois P.J., Gaudard C. & Quaintenne G. (2018). Plongeons, grèbes et grands échassiers hivernant en France : évolution récente des effectifs. Ornithos 25-4 : 185-215. • Paruk J.D., Evers D.C., McIntyre J.W., Barr J.F., Mager J. & Piper W.H. (2021). Common Loon (Gavia immer). In Rodewald P.G. & Keeney B.K. (eds), Birds of the World. Cornell Lab of Ornithology, Ithaca. • Svensson L., Mullarney K. & Zetterström D. (2023). Le Guide Ornitho. 3e édition. Delachaux et Niestlé, Paris. • van Duivendijk N. (2011). Advanced Bird ID Handbook. The Western Palearctic. New Hollans Publishers, London. • van Duivendijk N. (2024). Identifier les oiseaux d’Europe. Le guide ultime. Vol 1, des cygnes aux pics. Delachaux et Niestlé, Paris.

Citation recommandée : Duquet M. (2025). Plongeons d’hiver – (IV) le Plongeon imbrin. Post-Ornithos (marcduquet.com) 2 : e2025.02.15.